Le crédit immobilier sous surveillance
16/09/2021 à 09:53
Nouveau tour de vis sur les emprunts immobiliers. Le Haut Conseil à la stabilité financière (HCSF), qui associe Bercy et la Banque de France, a annoncé mardi 14 septembre qu’à compter de 2022, les établissements ne respectant pas ses recommandations en matière de prêts à l’habitat s’exposeront à des sanctions. Depuis 2020, les banques n’ont plus les mains totalement libres lorsqu’elles prêtent de l’argent à leurs clients. Le HCSF leur recommande, en effet, de ne plus valider de crédit immobilier lorsque les mensualités dépassent 35 % des revenus de l’emprunteur. La durée des prêts, elle, est limitée à 25 ans (27 ans pour le logement neuf). Les établissements peuvent déroger à ces règles pour 20 % de leurs dossiers.
Mais, jusque-là, ces bonnes pratiques n’étaient pas gravées dans le marbre. Et certaines banques s’en sont affranchies. Ce ne sera bientôt plus possible. Ces préconisations, qui restent inchangées, vont en effet devenir juridiquement contraignantes. Le gendarme du secteur financier, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), sera chargé de faire ces vérifications et, le cas échéant, de prononcer d’éventuelles sanctions.
Pas d’incidence majeure
Selon le HCSF, ce cadrage ne devrait pas avoir d’incidence majeure. La plupart des établissements respectent ces règles, estime l’institution, ou convergent vers elles. «Cela ne change rien pour l’emprunteur. Les recommandations sont aujourd’hui respectées, elles le seront demain», insiste-t-on au sein de l’institution. Preuve en est, seuls 20,9 % des prêts accordés par les grands réseaux bancaires en juillet dépassaient ces limites, à peine plus que le maximum autorisé.
Depuis quelques mois, la production de crédit immobilier vole de record en record, dans le sillon d’un marché immobilier euphorique. Au premier semestre 2021, selon les chiffres de la Banque de France, la valeur totale des crédits à l’habitat accordés par les banques a atteint un nouveau record, à 110,7 milliards d’euros.
Côté courtiers, on craint qu’un retour à plus de modération ne freine la production. Certains en perçoivent les premiers signes. «Des banques nous ont déjà annoncé qu’elles seraient plus restrictives dans l’attribution de crédit», affirme ainsi Philippe Taboret, directeur général adjoint de Cafpi.
Pas d’impact sur les prix
Des établissements ont pu prendre des libertés avec les recommandations du HCSF ces derniers mois. «Il y a eu des dérapages», confirme un banquier au sein d’une grosse enseigne mutualiste, tout en spécifiant que son groupe était depuis rentré dans le rang. Le profil de leurs clients, plus jeunes, souvent des primo-accédants, y est pour beaucoup. «Les mutualistes travaillent sur des territoires et des populations qu’elles connaissent, souligne Philippe Taboret. On ne finance pas un artisan ou un agriculteur comme un cadre à la Défense. Elles prennent peut-être plus de risque mais le gèrent parfaitement bien et n’ont pas plus de défauts que les autres. Ce retour strict aux règles va éliminer des candidats c’est indiscutable.»
Autre crainte: que la décision du HCSF ne grave le taux de 35 % d’endettement dans le marbre. «C’est un peu dommage. Les banques maîtrisent bien leur risque. Et on ne peut pas imaginer qu’elles prennent le crédit à la légère», souligne Maël Bernier, directrice de la communication du courtier MeilleurTaux.
Cette décision aura-t-elle un impact sur les prix immobiliers? C’est peu probable. Le premier tour de vis, en janvier 2020, n’a pas fait chuter la demande, qui reste forte. «Les ménages qui débutent vont pâtir de ce durcissement, souligne Maël Bernier. Mais ça ira toujours pour ceux qui, déjà propriétaires, achètent pour s’agrandir, pour les ménages aisés et ceux qui ont un petit matelas.»
Dans le neuf aussi, l’impact devrait être mineur, car l’offre manque. «On a toujours des acquéreurs en face. Ceux qui peuvent accéder à la propriété remplacent ceux qui n’en ont plus la possibilité», fait valoir Gilles Madre, président du promoteur P2I.Jorge Carasso